Partir pour mieux revenir. Je tourne la page du Canada sans regrets après plus de sept mois passés outre atlantique. Une expérience unique qui me permet d’avancer dans mon projet et m’invite à me poser d’autres questions sur la profession. Mais par où commencer! Voici venu le temps à mon tour de faire mon Panifeste :
Des papiers mais à quel prix?
Le Québec reste la destination en vogue en cette période de récession économique. Le rêve américain est à portée de main pour les grincheux et arrogants Français que nous sommes. Une terre promise où l’on parle Français avec un système plus libéral à l’anglo-saxonne. Un terrain de jeu idéal pour les entrepreneurs en quête de réussite. Je signe un contrat de travail avec l’une des plus importantes franchises en pain du pays dans leur succursale de Laval. Mon contrat est dans le cadre d’un permis fermé proposé par l’immigration appelé : « Jeunes Professionnels » (JP). Je pars travailler pour un employeur que je ne connais pas à 14$ brut/heure sur une base théorique de 40 heures/semaine. Un pari que je tente après avoir été recalé à deux reprises au permis ouvert « Vacances-Travail » (PVT). Les enjeux sont les suivants, pour gagner sa liberté et envisager l’avenir :
- Obtention des équivalences de mes diplômes universitaire
- Obtention de la Certification de Sélection du Québec dans le cadre d’un Programme d’expérience Québécoise (CSQ peq)
- Obtention de la Résidence Permanente Québécoise
J’insiste sur les enjeux en partageant mon retour d’expérience car cela me parait important pour prendre des décisions dans ce type de projet. Dès la première année dans le cadre d’un « Jeunes Professionnels », il est possible de changer de société en faisant une modification sous réserve d’un préavis de débauche de plus de deux mois. Je garde aussi cette option en tête.
L’envie d’avoir envie…
Me voilà dans une organisation avec une équipe d’une dizaine de Boulangers. Les premiers mois, je me retrouve au pétrin de jour avec un planning de 4 jours travaillés à 10 heures/jours. Mes jours de repos sont les Jeudi/Vendredi et samedi, je profite de mon temps libre pour faire des rencontres et sortir sur Montréal. La vie est belle et je trouve un bon équilibre entre travail à Laval et vie social. Mes collègues sont agréables et malgré le coté industriel de la boulangerie nous travaillons dans une bonne ambiance et avec professionnalisme. Le management n’est pas parfaitement à mon gout et manque de maturité mais nous nous en accommodons. Sur mon temps libre, je découvre tranquillement le marché Montréalais de la Boulangerie et Pâtisserie en rencontrant des professionnels du secteur. Un marché forcément différent de chez nous autres de part la culture gastronomique et la façon de consommer. Certains prétendent que ce marché est saturé, je ne pense pas et me dit qu’il existe toujours de la place en Boulangerie dès lors que l’on vend de la qualité au juste prix. Je comprends aussi qu’il sera difficile de changer d’employeur la première année car les petits artisans sont rétissants à faire des formalités avec l’immigration, il faudra être patient…
Et un matin nous nous retrouvons avec un nouveau partenaire gestionnaire de la boulangerie et un nouveau chef d’équipe. Là c’est le changement. Le management se corse avec une nouvelle organisation et façon de voir le travail. Nous passons à 5 jours/semaine 8 heures/jour après nous avoir expliqué pendant des mois l’intérêt du travail 4 jours/semaine. Nous remettons en question certaines pratiques du métier acquises lors du dernier management pour des raisons nébuleuses. Je me retrouve à travailler de jour et de nuit dans la même semaine avec des temps de récupérations entre deux postes de moins de 6 heures. Dès lors je réalise l’importance d’une qualité de la gestion des ressources humaines. Maintenant on me remercie en me coupant mes heures lorsqu’on n’a plus besoin de moi sans jamais me prévenir au préalable! A contrario on me demande de me justifier ma productivité qu’en une journée dans la semaine je fais des heures supplémentaires. A des rythmes de productivité moyenne supérieure à 60 unités de production (pains, baguettes, paninis, burger, fougasses, mini-pains…) par heure par Boulanger, je m’interroge sur la redistribution des revenus de notre travail. Alors les démissions se succèdent tendant encore plus l’organisation, et dégradant l’ambiance. La route risquant d’être longue vers les premiers papiers, je décide à mon tour de faire ma révérence!
Non, je ne travaillerai pas n’importe comment, pour et avec n’importe qui! Le management du chat et la souris ne m’intéresse pas, recevoir tantôt une tape dans le dos pour mieux encaisser le coup de poignard le lendemain. Le travail à la chaîne excessif et la division des taches peuvent parfois rendre stupide le métier en l’éloignant de son intérêt premier : l’Artisanat. Ma copine la diviseuse est trop souvent là pour le rappeler. Tout cela saupoudré d’une direction invisible, d’un management de petit chef et d’un actionnaire surement beaucoup trop gourmand (à mon gout). Je me pose la question de la différence qu’il existe entre une enseigne de « fast-food » et la gestion de ce type de franchise. Mais cela n’est qu’une question de personnes, perception et point de vue. J’aurai effectivement pu faire un bout de chemin avec mes collègues et avancer dans mon projet au Canada mais quand le respect n’est plus là, l’envie de faire du bon pain passe rapidement. Je pense à mes collègues qui en bons ouvriers et parfois mercenaires préfèrent la servitude à risquer de perdre leurs emplois. Je me dis que remettre une démission peut être interprété comme un caprice d’enfant gâté, un manque de pugnacité et patience. Mais aussi du courage quand on n’a rien derrière! Je ne regrette rien et ne souhaite pas de perdre mon temps à ce niveau d’avancement dans mon projet. Je trouverai mieux et plus enrichissant, l’important étant d’avancer et d’apprendre de ses propres expériences. J’aime faire du pain et travailler en équipe mais en bonne intelligence.
Voici venu le temps de remonter sur mon vélo et d’aller à la rencontre de nouveaux terroirs. Je n’exclus en rien de repartir à l’étranger dans l’avenir car j’ai compris la chance de faire un métier universel et l’importance des rencontres multiculturelles.
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