Matthieu Champetier de Ribes, Artisan à la ferme de Grignon

Pas de farine sans moulin! Il me paraissait important d’échanger avec un professionnel de la meunerie artisanal afin de mieux comprendre les étapes de la production de farine ainsi que ces enjeux. En remontant vers la Bretagne, j’ai le plaisir de rencontrer Frédéric qui est à la tête de « Moulin à céréales Aster« . Frédéric me reçoit dans son atelier où il construit et assemble des moulins de type Astrié.

Les frères Astrié ont passé la plus grande partie de leur vie à confectionner et améliorer les moulins à meule pour des usages artisanaux dédiés au monde rurale. André Astrié commença sa carrière professionnelle dans le secteur de l’automobile. Fort de cette première expérience, il adapta des techniques issues de la mécanique automobile pour fiabiliser les moulins :

« Le progrès que j’ai réalisé permet un contrôle parfait de l’écartement des meules. S’y ajoute une rectification des surfaces travaillantes, à la place du piquage traditionnel qui casse le son. Cela permet d’obtenir une farine calibrée, type 80, en un seul passage, sans présence visible de son. Résultat impossible à obtenir avec les cylindres autant qu’avec les anciens moulins ».

Sa passion pour la terre l’amène à travailler chez des éleveurs dans le Haut-Languedoc et à vivre dans une ferme sans eau courante ni électricité pendant plus de dix années. Il s’intéresse par la suite à la fabrication de la farine et étudie les problématiques des minoteries et de la mouture par cylindre. André décide alors de construire ses propres moulins à meule de granit. Il fournit les paysans boulangers en recherche d’autonomie et qualité face aux meuniers industriels.

Après une explication passionnante sur l’histoire des moulins à meule, son évolution et ses usages. Frédéric me présente son savoir faire. Une meule de 50 ou 100 cm de diamètre en pierre de granit du Tarn posée sur un ressort frottant sur un socle en pierre lisse. Tout cela dans un coffrage positionné entre un bec verseur de graines et la bluterie avec un tamis. Au centre du moulin, un roulement à billes permettant la rotation de la meule et son broyage.

Frédéric m’évoque les études d’Hubert CHIRON de l’INRA à Nantes qui travaille depuis plusieurs années sur les problématiques de planification des blés dans un fournil expérimentale. Certaines de ces études mettent bien en avant que le moulin Astrié est le moulin du « bon sens ». En une seule passe avec un rendement supérieure à 80% de transformation du poids du blé tendre en farine et une consommation énergétique minimum. De plus ce moulin peut moudre d’autres céréales comme sésame, maïs, sarrasin, châtaigne…

Nous échangeons maintenant sur les différents étapes qui permettent d’apporter le grain du champ au moulin. Il faut donc élimer toutes les impuretés en utilisant successivement plusieurs machines afin de nettoyer le blé :

  • Le nettoyeur-séparateur
  • L’épierreur ou épurateur
  • Le tarare
  • L’épointeuse ou brosse à blé

puis intervient le stockage de la céréale avec le mouillage afin de chercher la bonne teneur en humidité réalisé à l’aide d’une vis mouilleuse.

Frédéric m’explique en détail l’importance de toutes ces étapes en me montrant les fonctions des différentes machines directement dans son atelier. J’ai eu la chance pendant une demi-journée d’échanger avec un passionné de la meunerie artisanale. Je repars la tête pleine d’informations avec surtout une envie d’approfondir et mettre en pratique tout cela…Un ensemble de process mécanique simple sans électronique compliqué. Je repense alors à ma K75rt qui plus de 25 ans après est toujours fidèle au poste. Comment passer les générations en toute fiabilité? Faire des choses simples d’utilisation et les entretenir. Peut être en décalage avec le mode actuel de consommation, le moulin à meule passe à travers le temps et redevient d’actualité face au géant de la meunerie. Un combat qui j’espère ne fait que commencer au plus grand plaisir des amoureux du Pain.