Matthieu Champetier de Ribes, Artisan à la ferme de Grignon

A Montréal, j’avais eu la chance de retrouver Arnaud ami et voisin d’enfance. Cela faisait plus de dix années que nous n’avions pas repris contact. Quel plaisir de se retrouver après tout ce temps et de voir que notre amitié est restée intacte! Après quelques années de scoutisme ensemble avec lui et ses frères, Arnaud me redonne des nouvelles de sa famille. J’apprends que Charles son petit frère est vigneron dans la Drôme à coté de la ferme de ses grands-parents maternels. Jadis nous avions réalisé des travaux agricoles dans la région en tant que saisonnier ensemble. Alors pourquoi ne pas lui rendre visite et reprendre les nouvelles?

Je réalise ce jour là ma plus longue étape de plus de 153 kilomètres entre Lyon et Livron-sur-Drôme sous une canicule mais surtout un mistral à faire tomber un peloton! Je récupère la ViaRhôna au niveau de Givors. Le chemin longe le Rhône et les domaines vinicoles septentrionaux, une bonne introduction en la matière! Je savoure une bière à Valence qui me sera fatale. A un peu moins de 20 kilomètres de l’arrivée, je me retrouve avec les jambes coupées et plus de force pour avancer. Je m’arrête manger un sandwich et boire une boisson sucrée question de remettre le pied à l’étrier. J’arrive chez Charles avant la nuit. Nous nous retrouvons autour d’une exceptionnelle tablée en terrasse d’un restaurant gastronomique d’un village perché. Un vrai bonheur après cette difficile étape.

Mais par ou commencer? Nous reprenons les nouvelles réciproques de nos familles et remontons dans les souvenirs communs. La soirée se finira dans une cave dérobée du restaurant où nous sirotons nos derniers verres de vins en compagnie de connaissances de Charles. Un peu comme dans les ignorants, je prends plaisir à questionner Charles sur son métier de vigneron et découvre un univers proche de celui du pain.

Le lendemain nous nous promenons le long de ses parcelles avant de rejoindre le marché de Crest. Charles travaille sur un petit quart de la superficie du Brézème. Une appellation partagée entre 7 producteurs. Après m’avoir expliqué l’historique de la création de son domaine et les difficultés rencontrées à son lancement, Charles m’expose son projet et sa vision du métier. Une discussion passionnante entre savoir-faire et recherche d’un produit authentique proche de son terroir. Un coteau calcaire avec une exposition plein sud préservé du mistral permettant un ensoleillement optimal, le Brézème jouit de plusieurs bons compromis malgré quelques terrasses difficilement accessibles. Charles m’évoque l’utilisation d’un cheval de labour pour accéder et travailler la vigne dans les endroits les plus escarpés.

Nous nous retrouvons maintenant autour d’une barrique dans son caveau pour la traditionnelle dégustation. Ce jour-ci nous serons accompagnés de clients de New York. Un vin tannique avec une robe pourpre et intense. Le Brézème est un syrah de caractère. Nous prenons plaisir à remonter dans les millésimes avec Charles en conteur d’anecdotes. Un moment d’une rare complicité entre un vin et son créateur. L’enivrement arrivant toujours trop vite, nous clôturons par une visite du caveau avec une explication technique de l’utilisation de chacun des outils permettant la réalisation de la vinification.

Je finis le séjour avec Charles par une ballade pédestre dans le Vercors au pied de la chute de la Druise. Comme pour Arnaud, les retrouvailles avec Charles se sont faites avec le plus grand naturel et simplicité. Il est temps de reprendre le vélo pour d’autres aventures. Après avoir passé la dernière soirée avec sa femme et enfants, je repars en leur retournant l’invitation. Un proverbe dit : « Sans pain ni vin, l’amour n’est rien. »; alors je crois bien que après toutes ces années et nos parcours réciproques nos valeurs sont restées sincères. Se retrouver autour de l’amour de l’artisanat aura été la cerise sur le gâteau du week-end. Un grand merci pour cet accueil.