Matthieu Champetier de Ribes, Artisan à la ferme de Grignon

Je mets le cap plein sud avec pour objectif de finir la Loire à Vélo et rejoindre l’Espagne. Me voilà surplombant le fleuve une nouvelle fois par ses digues et pistes cyclables, je passerai non loin du fournil de Vennecy ou Julien a établi quartier avec sa femme. Julien a lui aussi baroudé à l’international avant d’ouvrir son fournil ce qui m’avait poussé à le rencontrer et partager nos expériences. Une rencontre encore riche d’enseignements qui m’interpelle sur le juste dimensionnement de la taille d’exploitation d’un fournil…

Après un bivouac en bord de Loire, je rejoins le site de Guédelon en arrivant par les chemins forestiers comme le GPS sait si bien me les indiquer. Après quelques franchissements de barrières, je me retrouve dans l’enceinte de Guédelon. L’accueil n’est pas des plus agréables. On m’escorte aux guichets en me rappelant que l’entrée dans le site sans autorisation et passible de plus de 5000€ d’amende. Avec plusieurs tentatives d’explications justifiant mon itinéraire forestier et ma bonne foi me voilà acquitté et enfin disponible pour la visite. Je m’attarde sur le Moulin à eau de Guédelon et ses panneaux explicatifs que je trouve instructifs :

« Pourquoi construire un moulin à Guédelon?

En décidant de construire un moulin à Guédelon, nous nous inscrivons dans un contexte historique vraisemblable. Au Moyen Age, un moulin n’était jamais loin d’un château; il était indispensable à l’économie du fief. Le seigneur pouvait y exercer le droit de ban qui se compose de plusieurs pouvoirs : judiciaire (le seigneur rend justice sur son territoire), militaire (il protège ses paysans et vassaux), économique, le seigneur construit et entretient les routes, les ponts, les moulins…
Des archives datant de la fin du XVème siècle, certes un peu plus tardives à notre période de référence, nous montrent la présence d’un moulin en foret de Guédelon. Pour ces deux raisons, la construction d’un moulin du moyen âge nous est apparue comme une évidence! »

La force hydraulique au moyen âge

La première révolution industrielle date du moyen âge!
Les moulins existent depuis l’antiquité; Vitruve (1er siècle avant JC) décrit le moulin à eau à roue horizontale dans son traité de Architectura. « Le moyen âge a développé plus qu’une autre civilisation l’usage des machines. La société médiévale remplace le travail manuel, souvent travail forcé des esclaves, par le travail des machines. Les moulins n’étaient ni étrangers, ni connus du citadin ou du paysan. L’un comme l’autre avaient à leur porte une usine médiévale : un moulin à eau, un moulin à vent, un moulin à marée ou un moulin à bateau » (La révolution industrielle du moyen âge de Jean Gimpel)
Entre le XIème et XIIIème siècles, les moulins à eau connaissent un véritable âge d’or, comme en témoigne en Angleterre le Domesday Book, inventaire des biens et des domaines de Guillaume le Conquérant, établi en 1086, qui mentionne 5624 moulins à eau, soit 1 moulin pour 50 foyers, alors qu’on comptait seulement une centaine un siècle plus tôt!
On assiste à un aménagement progressif des cours d’eau. Les rivières sauvages se transforment en cours d’eau semi-aménagés; les moulins sont généralement bâtis sur une amenée d’eau appelée bief.

Un moulin au moyen âge, quelle banalité!

Au moyen âge, les moulins appartiennent aux seigneurs et aux religieux; on parle de moulin banal. Dans le système féodal, les banalités regroupent tous les bâtiments comme le moulin, le pressoir, le four à pain…que le seigneur fait construire et entretient. Les paysans sont obligés d’apporter leurs céréales à moudre dans un moulin banal. En échange, ils doivent payer un impôt au propriétaire en donnant une partie de la farine obtenue. »

 Je repars de Guédelon stupéfait du travail de reconstitution accompli et de l’énergie déployée dans ce chantier. Comme quoi la lenteur trouve encore des adeptes dans ce monde en perpétuel évolution. Je finis ma journée en bord de Loire à Sancerre ou je déguste quelques verres de vins locaux millésimés, question de remonter dans le temps à ma façon…