Matthieu Champetier de Ribes, Artisan à la ferme de Grignon

Je remonte sur mon vélo et continue par la Loire à vélo en direction de Nantes. Les panoramas sont vraiment magnifiques! Je découvre un fleuve sauvage où les reflets et couleurs de l’eau changent en permanence en fonction de la luminosité. On ne se lasse pas des chemins de digues surplombant les bancs de sables. L’itinéraire est agréable et alterne entre routes communales et pistes cyclables. Il est toujours facile de trouver une ginguette proposant produits du terroir et autres commodités pour le plus grands plaisir des cyclistes. Je savoure ma première crêpe dans le vieux Nantes que je ne connaissais pas. Ce soir là, il n’y pas un chat dans les rues car journée de tensions sociales et manifestations obligent. Le projet de loi sur la réforme du travail passera-t-il? Je ne connais pas le contenu de ce projet mais arrivant de l’étranger, je me demande comment est il possible de prendre aussi facilement en otage un pays? Mais aussi pourquoi le dialogue social est-il toujours aussi compliqué? Plus de transports en commun, un CRS à chaque coin rue à protéger les citoyens d’éventuels débordements, bienvenue en France ! Heureusement pour moi mon moyen de locomotion reste insensible à toutes ces perturbions et ne m’empêchera pas d’arriver à bon port.

Aujourd’hui j’ai la chance de rencontrer le créateur de la troisième Boulangerie d’économie sociale et solidaire : Richard. Après Farinez-Vous et Drôle de Pain, il décide de créer l’année dernière Ma part  du Gâteau une entreprise d’insertion (EI). Anciennement dans l’industrie agroalimentaire, Richard tourne le dos à son domaine d’activité pour réaliser son projet dans l’artisanat. Un vrai challenge avec un seul mot d’ordre : apporter une dimension social à son entreprise. Il me fait part de l’importance de convaincre les partenaires et de savoir gérer plusieurs projet en parallèle afin de créer une bonne dynamique. « Le but est d’y croire et de montrer que tu y crois » me répète t il, au risque sinon de ne pas être crédible. Aujourd’hui après une année d’activité et beaucoup d’énergie dépensée l’entreprise compte une dizaine de salariés entre la vente et l’exploitation. Richard est satisfait de son démarrage et continue à développer son activité.

Mais pourquoi « Ma part du Gâteau »? Dans la boulangerie trône deux tableaux où sont encadrés des textes. Le premier un de Bernard Maris :

« Mais de quoi parle l’économie?
Ah, vous êtes têtu! Les belles analyses ne vous suffisent pas! Les équations! Les modèles! Vous voudriez savoir ce qu’il y a derrière…

De quoi parle l’économie? Du partage. Du partage de la richesse. Qui regarde le gâteau, qui tient le couteau? C’était le but octroyé à l’économie politique par le grand Ricardo, dans son ouvrage Des principes de l’économie politique et de l’impôt, et depuis on n’a pas dit mieux. L’économie, c’est fondamentalement la question de la répartition. Pourquoi? Parce que la question du partage est liée à celle de la rareté et que, sans rareté, il n’y a pas de problème économique. Dans les sociétés d’abondance décrites par Marshall Sahlins, véritables sociétés pré-économiques où l’homme, comme les autres, n’est qu’un parasite et une toute petite partie du cycle de la Nature, il n’y a pas de problème de rareté ni de partage. Certes, « comment fabrique-t-on le gâteau? » est aussi une belle question que peuvent accaparer les économistes. Quels sont les ingrédients du gâteau? Des voitures, de la pollution, des médicaments, des logiciels, des livres? De la terre? Des paysages? Nous nous y intéresserons à la fin de cet Antimanuel. Avec quelles énergies fabrique-t-on ce gâteau? Du travail, du capital, de l’argent, des techniques, du savoir… »

Et le deuxième, extrait d’une légende Amérindienne :

« Un jour, dit la légende, il y a un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observent, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le toucan, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » – « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part » »

Comment bien répartir et partager les richesses tout en s’impliquant chacun à son échelle? Voilà comment « Ma part du gâteau » a pris naissance. Entre idéologie et entrepreneuriat, Richard peut être fier de son équipe qui porte un beau projet plein de sens.