Matthieu Champetier de Ribes, Artisan à la ferme de Grignon

Le rocher de Gibraltar est enfin visible. Je longe les dernières grandes plages de sable méditerranéennes entre villas ultra sécurisées et golfs. L’influence britannique se fait ressentir et beaucoup de ressortissants possèdent un petit pied à terre dans les alentours…Gibraltar se dresse comme un phare face au continent africain. Des dizaines de bateaux sont amarrés à son pied attendant les autorisations nécessaires à l’accostage. Ce soir là je dormirai à La linéa de la concepcion pour une dernière nuit sur le continent européen. Après un gaspacho et du calamar sur une terrasse proche du port, je rejoins mon campement. Une atmosphère de trocs et trafics en tous genres est présente dans ce port. Les polices espagnoles et anglaises sont partout. Je mets le cap vers Tarifa, pour prendre le bateau.

Les deux derniers cols m’élèvent suffisamment haut pour contempler Gibraltar et les cotes marocaines. Une brume s’installe dans le lit du détroit remplaçant un océan bleue en blanc. Je contemple ce spectacle surnaturel d’un coin de l’œil car la route tortilleuse gangrène de voitures. La descente sur Tarifa est violente et me voilà à plus de 60 kilomètre/heure à déballer vers le port. Pas d’attente pour les vélos à Tarifa, 35€ plus tard mon vélo se retrouve sanglé au ferry. Une brume épaisse tue la visibilité. Je quitte le vieux continent pour l’Afrique et d’autres saveurs. La traversée dure un peu plus d’une heure et les formalités douanière se font directement dans les salons du bateau. Les coups de tampons se succèdent et me voilà arrivé à Tanger sous le soleil. En rechargeant mon vélo, je me fais contrôler par un douanier qui me demande d’ouvrir mes sacoches. L’agent me fait comprendre qu’il recherche un drone. Je lui explique que je n’en possède pas et me laisse passer…bienvenue au Maroc!

De retour au pays après 14 petites années…lors de mes études j’avais eu la chance de venir travailler 6 mois à Casablanca. Revenir au Maroc m’évoque forcement plein de souvenirs. Je récupère la corniche et finis au camping Miramonte de Tanger. L’air océanique rend la ville respirable même en été. Je déambule et me perds dans la médina pour finir sur les terrasses surplombant Gibraltar. Un spot parfait pour savourer un thé à la menthe et rêver quelques instants entre ciel et terre. Les navires qui traversent le détroit se noient dans la brume comme des avions dans une vue panoramique. Le coucher du soleil est juste un régale et chaque minutes de luminosité est miraculeuse dans les méandres du détroit.

Je visite l’ancien consulat américain de la ville et découvre des cartes originales de l’Afrique du début du dernier siècle un vrai trésor riche d’histoires. Tanger surnommé le nid d’espions était aussi le repère des diplomates des plus grandes puissances. Les enjeux commerciaux et la proximité avec le détroit expliquent naturellement l’intérêt de ce beau monde. Dans le musée de la kasbah un immense globe terrestre datant du moyen âge représente la méditerranée et l’Asie. Je m’attarde sur cette représentation et m’interroge sur les techniques utilisées pour arriver à un tel résultat.

La médina de Tanger est un vrai labyrinthe de couleurs et je m’invite au cœur de la kasbah à passer un moment avec un artisan boulanger dans son fournil. La chaleur du four à bois se fait ressentir et après avoir préparé la prêtrissée à basse de semoule fine et sucre, le boulanger enfourne à la pelle avec une connaissance parfaite de son four. Après un temps de cuissons très courts, il ressort les batbouts sur des planches de bois. Les gestes sont précis et rien est laisser pour compte.

Je reprends mon vélo pour découvrir le Cap Spartel et les plages de l’Atlantique. Le maquis à brûler; il y a peu de temps , laissant quelques fumée s’échapper. L’Atlantique est convoité à cet endroit par les touristes et les locaux qui viennent se baigner en masse. Je retrouve bien le Maroc que j’avais laissé. Encrer entre tradition et modernité, les marocains sont tiraillés. Les disparités entre riches et pauvres sont encore plus présentes ici et je reste vigilant à ma façon de consommer pour ne pas laisser mauvaise impression. Je quitte Tanger avec l’envie de redécouvrir ce terroir berbère plein de patrimoine, inshallah!